Portrait de l'usage des antidépresseurs chez les adultes (janvier 2011)
2011-01-18 | Médicaments: Usage optimal
Étude descriptive de cohorte rétrospective
Contexte
De nombreuses études font état de problèmes d’usage des antidépresseurs. Entre autres, plusieurs chercheurs rapportent que les patients traités par des antidépresseurs ont des problèmes de persistance à leur traitement. Les données canadiennes et québécoises récentes étant limitées, une évaluation de l’usage des antidépresseurs au Québec est indiquée.
Objectif
L’objectif général de l’étude était de dresser un portrait de l’usage des antidépresseurs chez les bénéficiaires du régime public d’assurance médicaments âgés de 18 ans ou plus au cours des cinq dernières années, soit du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2009.
Méthodologie
Une étude descriptive de cohorte rétrospective a été menée chez les adultes de 18 ans ou plus assurés par le régime public d’assurance médicaments à l’aide des banques de données administratives de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Des utilisateurs d’antidépresseurs ont été identifiés et, parmi ceux-ci, les nouveaux utilisateurs étaient caractérisés par l’absence d’ordonnance active d’antidépresseur au cours des 365 jours ayant précédé la date de service de la première ordonnance (date index). Les informations sur la couverture d’assurance et sur les caractéristiques sociodémographiques provenaient du fichier d’admissibilité des personnes assurées par l’assurance médicaments. Les services médicaux étaient utilisés pour identifier les antécédents médicaux, les diagnostics et les actes médicaux, tandis que les services pharmaceutiques étaient utilisés pour caractériser l’usage de divers médicaments, dont les antidépresseurs, de 2005 à 2009.
Des prévalences d’usage des antidépresseurs ont été calculées pour chacune des années pour la population totale, en fonction de l’âge, du sexe, de la catégorie d’assurés et de la région sociosanitaire de résidence. Les nouveaux utilisateurs et leurs traitements ont également été décrits. Des courbes de survie réalisées à l’aide de la méthode de Kaplan-Meier ont permis d'évaluer la persistance au traitement, c’est-à-dire le temps pendant lequel les patients demeuraient traités par un ou des antidépresseurs après le début de leur traitement. Pour les nouveaux utilisateurs d’antidépresseurs ayant eu un diagnostic de dépression majeure dans les trois mois précédant le début du traitement, la qualité de l’usage des antidépresseurs a été évaluée grâce à quatre critères établis à partir des lignes directrices canadiennes de 2009 pour le traitement de la dépression majeure. Ces critères concernaient le choix de l’agent antidépresseur initial, la dose quotidienne prescrite, la durée totale de traitement et le nombre de visites médicales de suivi.
Résultats
De 2005 à 2009, la prévalence de l’usage des antidépresseurs chez les adultes québécois couverts par le régime public d’assurance médicaments a augmenté de 8,3 %, passant de 13,3 % à 14,4 %. Parmi les utilisateurs d’antidépresseurs, 345 558 étaient des nouveaux utilisateurs entre 2005 et 2009. Globalement, 50,1 % des nouveaux utilisateurs avaient 60 ans ou plus et les femmes représentaient environ les deux tiers des nouveaux utilisateurs d’antidépresseurs. Aucun diagnostic de maladie mentale entraînant fréquemment la prescription d’antidépresseurs n’a été trouvé dans les banques de données à la date index ou dans les trois mois précédant celle-ci pour 63,3 % des nouveaux utilisateurs d’antidépresseurs. Les diagnostics les plus fréquents durant la même période étaient la dépression majeure (14,7 %) et les troubles anxieux (14,1 %). Entre 2005 et 2009, 338 322 des 345 558 nouveaux utilisateurs d’antidépresseurs, soit la presque totalité (97,9 %), n’ont reçu qu’un seul médicament au début du traitement. En monothérapie, les traitements initiaux avec le citalopram (24,3 %), les tricycliques et dérivés (23,4 %), la venlafaxine (17,5 %) et le trazodone (12,6 %) étaient les plus fréquents.
La persistance globale des nouveaux utilisateurs à leur traitement antidépresseur à 15 jours, 30 jours, 2 mois, 3 mois, 4 mois, 6 mois, 1 an et 2 ans était respectivement de 93,8 %, 63,3 %, 56,7 %, 49,4 %, 44,8 %, 38,5 %, 28,4 % et 20,4 %. Les nouveaux utilisateurs atteints de dépression majeure ont démontré une meilleure persistance que ceux atteints de troubles anxieux ou de troubles de l’adaptation, et ce, à tous les temps de mesure.
Parmi les nouveaux utilisateurs d’antidépresseurs ayant eu un diagnostic de dépression majeure dans une période de trois mois précédant le début du traitement, 87,7 % des 18 à 64 ans et 91,3 % des 65 ans ou plus ont commencé leur traitement avec un agent de première intention tandis que 84,9 % des 18 à 64 ans et 72,3 % des 65 ans ou plus recevaient, trois mois après le début de leur traitement, une dose conforme aux écarts posologiques recommandés. Seulement 31,9 % des nouveaux utilisateurs de 18 à 64 ans et 44,9 % des nouveaux utilisateurs de 65 ans ou plus ont eu une durée totale de traitement antidépresseur supérieure ou égale à huit mois. Finalement, 15,5 % des nouveaux utilisateurs de 18 à 64 ans et 25,5 % de ceux de 65 ans ou plus ont effectué huit visites médicales ou plus dans les douze mois suivant la date à laquelle leur traitement a commencé.
Conclusion
Au cours des dernières années, la prévalence de l’usage des antidépresseurs chez les adultes québécois assurés par le régime public d’assurance médicaments a augmenté de façon constante, passant de 13,3 % en 2005 à 14,4 % en 2009. La persistance aux antidépresseurs était problématique, car seulement 38,5 % de tous les nouveaux utilisateurs d’antidépresseurs (peu importe leur diagnostic) et 46,3 % de ceux ayant un diagnostic de dépression majeure étaient toujours sous traitement après six mois. Concernant la qualité de l’usage des antidépresseurs chez les nouveaux utilisateurs souffrant de dépression majeure, les critères de choix de l’agent initial et de la dose quotidienne prescrite étaient en général bien respectés. Cependant, la durée totale de traitement était inférieure à huit mois dans la majorité des cas et peu de visites médicales de suivi ont été effectuées dans l’année suivant le début du traitement. Il serait pertinent de mener des études plus poussées afin de déterminer les raisons faisant obstacle à une meilleure persistance aux antidépresseurs dans la population québécoise et de mettre en place des interventions ciblant les problématiques identifiées. De plus, pour le bénéfice des patients atteints de dépression majeure, il serait nécessaire d’améliorer le suivi du traitement de leur épisode dépressif. En ce sens, la prise en charge globale du patient et de son traitement par une équipe de professionnels de la santé (médecins, pharmaciens, infirmières et autres intervenants) serait une piste de solution intéressante. Un suivi conjoint pourrait aussi éventuellement favoriser une meilleure persistance aux antidépresseurs.