Étude sur l'usage concomitant des antipsychotiques (Volet I)
2009-05-01 | Médicaments: Usage optimal
Introduction
En 2007, pour faire suite à deux rapports d’investigation à propos de patients schizophrènes décédés alors qu’ils étaient traités sous polythérapie antipsychotique, le coroner demandait au Conseil du médicament de « monitorer, à partir de la banque de données du Régime général d’assurance médicaments, la fréquence de prescriptions combinées de plus d’un neuroleptique afin que soit bien documentée cette pratique qui déroge aux données probantes ». En réponse à cette demande, le Conseil a entrepris une étude en trois volets, qui vise à documenter l’usage concomitant des antipsychotiques en général (volet 1), chez les enfants et les adolescents (volet 2) et enfin chez les adultes et les personnes âgées (volet 3). Le présent document fait état du premier volet.
État des connaissances
Les antipsychotiques (AP) sont des médicaments indiqués principalement pour traiter les troubles psychotiques tels que la schizophrénie. Ils se regroupent en AP typiques (APT) et atypiques (APA). Par rapport aux APT, les APA entraîneraient moins d’effets secondaires tels que le syndrome extrapyramidal et la dyskinésie tardive. Cependant, des études récentes démontrent qu’ils entraînent d’autres effets secondaires sévères, comme le syndrome métabolique et les troubles cardiaques.
Dans le traitement des troubles psychotiques, les lignes directrices canadiennes et américaines insistent sur le principe général voulant qu’un seul AP soit utilisé. Pour contrer la non-réponse et la réponse partielle, elles suggèrent :
- l’optimisation de la dose;
- la durée adéquate de l’essai;
- la substitution par un autre AP, l’essai de deux, même de trois APA en monothérapie et un APT, avant la clozapine;
- l’essai de la clozapine;
- la combinaison de la clozapine et d’un APA ou un APT.
À ce jour, l’efficacité du traitement antipsychotique combiné n’a pas été étudiée de façon appropriée. En effet, dans la littérature scientifique, seules quelques études randomisées et à double insu (RDI) ont documenté l’efficacité des combinaisons d’AP chez des petites cohortes de patients. Pourtant, cette pratique connaîtrait une progression constante et ne serait peut-être plus réservée aux malades les plus sévèrement affectés ou réfractaires.
Pour les patients atteints de schizophrénie ou d’autres psychoses qui présentent une réponse incomplète au traitement en monothérapie, certains cliniciens peuvent être tentés de croire qu’une utilisation simultanée de plus d’un AP constitue une option intéressante pouvant améliorer l’efficacité du traitement. Toutefois, le manque de données sur le gain d’efficacité réel de la polythérapie antipsychotique nous amène à nous interroger sur les avantages de ce type de traitement par rapport aux risques et aux coûts qu’il comporte.
Objectifs de l’étude
- Déterminer la prévalence d’usage des AP;
- Répartir les utilisateurs d’AP selon le type d’utilisation : les utilisateurs de la polythérapie et de la monothérapie, en longue durée ou en courte durée;
- Décrire les combinaisons d’AP utilisées en polythérapie.
Méthodologie
Une étude rétrospective de cohorte a été menée chez les personnes inscrites de façon continue (du 1er janvier au 31 décembre 2006) au régime public d’assurance médicaments, administré par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Toutes les données analysées ont été préalablement anonymisées.
Résultats
La prévalence d’usage la plus élevée a été trouvée chez les prestataires de l’assistance-emploi (12,6 %) et elle était presque 3 fois plus élevée que celle des personnes âgées de 65 ans et plus (4,5 %) et 7 fois plus élevée que celle des adhérents, soit des personnes qui travaillent et qui sont assurées par le régime public d’assurance médicaments (1,8 %). Les combinaisons d’AP observées ne suivaient aucun modèle déterminé.
Conclusion
Très peu d’études randomisées et à double insu appuient l’efficacité et l’innocuité de l’usage de la polythérapie antipsychotique. Il est donc préoccupant de constater que cette pratique semble relativement commune dans le traitement de la schizophrénie ou d’autres maladies psychiatriques au Québec et dans plusieurs pays. Des études supplémentaires en vue de documenter les bénéfices et les risques sont donc nécessaires pour aider les cliniciens à prendre les décisions qui s’imposent dans le cas des patients jugés réfractaires à la monothérapie.
À la lecture des résultats de ce volet 1 de l’étude, le Conseil du médicament compte solliciter la collaboration de l’Association des médecins psychiatres du Québec, du Collège des médecins, ainsi que d’autres partenaires, relativement à la création d’un outil d’aide à la décision ayant pour objectif l’usage optimal des antipsychotiques. Les résultats des volets 2 et 3 aideront à cibler davantage certaines interventions.