Introduction

Contexte

L’accès à une information précise, valide  et pertinente en temps opportun est l’un des fondements de la gestion des maladies chroniques. C’est en réponse à des besoins exprimés par les professionnels de la santé que le  ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a confié à l’INESSS le mandat d’élaborer des indicateurs de qualité relatifs à la prise en charge de certaines maladies chroniques :


  1. maladies cardiovasculaires : hypertension artérielle et angine stable;
  2. diabète de types 1 et 2 chez l’adulte;
  3. dyslipidémie chez ces deux types de clientèle;
  4. maladies respiratoires : MPOC et asthme.
  5. Indicateurs génériques de la prise en charge des maladies chroniques, applicables à l’ensemble des maladies chroniques.

Comment a été définie la qualité de la prise en charge des maladies chroniques?

L’Institute of Medicine aux États-Unis, dans son rapport phare intitulé Crossing the Quality Chasm, définit la qualité des soins comme la mesure dans laquelle les services de santé destinés aux individus et aux populations font augmenter la probabilité d’atteindre les résultats de santé souhaités et correspondent aux connaissances professionnelles actuelles [Institute of Medicine, 2001].

Des soins et services de qualité sont :

  • efficaces, c’est à dire fondés sur les connaissances scientifiques;
  • centrés sur le patient, c’est-à-dire respectueux et à l’écoute de ses préférences, besoins et valeurs dans les décisions cliniques;
  • accessibles en temps opportun;
  • efficients, c’est-à-dire qui évitent le gaspillage des ressources financières, matérielles et humaines;
  • sécuritaires, c’est-à-dire qui évitent les blessures et autres dommages aux patients;
  • équitables, c’est-à-dire que leur qualité ne dépend pas des caractéristiques personnelles des patients.

La qualité comporte donc, sur le plan des procédures et des services rendus, des aspects techniques, organisationnels mais aussi relationnels qui sont interdépendants.

Le modèle de gestion des maladies chroniques (dont le titre original en anglais est Chronic Care Model) a servi d’assise aux travaux. Nous avons retenu la dernière version du modèle, The Expanded Chronic Care Model, élaborée par le MacColl Institute.

Le modèle élargi de gestion des maladies chroniques élaboré par le MacColl Institute

Traduction libre de la figure du modèle élargi de gestion des maladies chroniques du MacColl Institute, adapté du modèle original proposé par Wagner [1998]

Aux six dimensions du modèle original, qui se réfèrent principalement aux domaines des systèmes de santé et à leur ancrage dans la communauté, s’ajoute un domaine des services qui concerne directement la prestation des soins par les professionnels.

Se rapportent au domaine des « services » quatre dimensions des soins, à savoir :

  1. centrés sur le patient;
  2. accessibles en temps opportun et efficients;
  3. fondés sur les données probantes et sécuritaires;
  4. coordonnés.

Ce cadre conceptuel offre une vision globale et intégrée des principaux enjeux liés à la gestion des maladies chroniques. Il a permis de situer le mandat et les indicateurs élaborés dans une perspective plus large.

Qu’est-ce qu’un indicateur de qualité?

Un indicateur de qualité est une mesure permettant d’évaluer et d’améliorer la qualité des soins et des services. L’utilisation d’indicateurs permet de clarifier des objectifs à atteindre (planification), d’orienter le choix des actions à poser (action), d’évaluer les effets des changements entrepris (vérification) et de réajuster les actions en fonction des résultats obtenus (rétroaction). 



Un indicateur est une mesure quantitative qui se traduit par un chiffre ou une statistique. La littérature sur les caractéristiques d’un indicateur « idéal » (Mainz, 2003b; Mainz, 2003a] [British Medical Association (BMA) et NHS Employers, 2009) nous permet de déterminer trois grands critères :

  • Fondé sur les meilleures données scientifiques disponibles, lesquelles confirment que la structure, le processus ou le résultat mesuré est associé à un état de santé souhaité.
  • Reconnu pertinent et représentant les pratiques exemplaires par ceux qui les utilisent.
  • Mesurable, c'est-à-dire accessible à partir des informations générées par les activités cliniques et administratives, produisant une information précise et valide et, idéalement, sensible au changement.

Comment les indicateurs ont-ils été élaborés?

L’élaboration des indicateurs a été réalisée selon une approche à la fois scientifique et délibérative. Les guides de pratique clinique les plus récents (2006 à 2011) répondant à des critères de qualité élevés ont été la source des recommandations de bonnes pratiques à l’appui des indicateurs spécifiques à chacune des maladies considérées. Les indicateurs (spécifiques et génériques) ont été repérés grâce à l’étude de plusieurs réalisations d’envergure internationale, nationale et provinciale.

Des comités scientifiques ont statué sur les indicateurs et la force des données probantes qui les appuient. Des consultations auprès de professionnels de la santé et de gestionnaires ainsi que d’usagers des services ont été tenues sous diverses formes (groupes de discussion, entrevues, journées de consultation.

Quelles sont les caractéristiques des indicateurs élaborés?

Le travail a permis d’élaborer 164 indicateurs, caractérisés en fonction de la force des données probantes qui les appuient, de la pertinence attribuée par les usagers et les professionnels consultés et des défis associés à leur mesure dans le contexte informationnel québécois. De ce nombre, 126 sont des indicateurs spécifiques des maladies à l’étude et 38 sont des indicateurs génériques de prise en charge des maladies chroniques.

Les travaux sur la multimorbidité ont permis de déterminer différentes mesures qui pourraient être considérées, sans toutefois permettre de définir la manière de la prendre en compte dans le suivi ou dans la mesure des indicateurs de qualité élaborés.

La littérature ainsi que les experts consultés s’entendent pour dire que les indicateurs doivent être utilisés avec circonspection chez les personnes très âgées (80 ans et plus) ou qui présentent une multimorbidité complexe, surtout en ce qui concerne la pharmacothérapie et l’atteinte de cibles précises de traitement.

Les sources de mesure des indicateurs de qualité

Un indicateur peut être mesuré à partir de plusieurs sources, à savoir :

  • le dossier de l’usager;
  • les bases de données administratives (BDA) générées à partir des activités cliniques (données relatives à la provision des services médicaux et des médicaments – RAMQ, données relatives aux hospitalisations – fichier MedEcho; etc.);
  • certaines enquêtes auprès des usagers des services ou des professionnels de la santé.

Chaque source présente des avantages et des inconvénients ainsi que des embûches à sa mesure. Bien que le dossier papier de l’usager ait été longtemps la source privilégiée de la mesure de plusieurs indicateurs de qualité, son utilisation est très exigeante en temps et en ressources, si bien qu’on lui préfère maintenant le dossier médical électronique (DME). 


Les enquêtes auprès des usagers constituent la source la plus fiable pour estimer plusieurs indicateurs relatifs aux dimensions des soins selon le modèle de gestion des maladies chroniques, par exemple la mesure dans laquelle les soins sont centrés sur le patient, accessibles en temps opportuns et coordonnés. Plusieurs de ces indicateurs peuvent être mesurés à partir de questionnaires valides et adaptés au contexte québécois, en français et en anglais.

Utilisation des indicateurs dans un processus d’amélioration des pratiques cliniques

L’utilisation d’indicateurs de qualité comporte les quatre étapes suivantes :

  • La planification

Cette étape permet, d’une part, de définir quelles sont les maladies et les dimensions des soins sur lesquelles une équipe souhaite s’améliorer et, d’autre part, quels sont les indicateurs qui seront retenus pour faire le suivi. Au cours de cette étape, des cibles d’amélioration peuvent être définies.

  • L’action

Lors de cette étape, l’infrastructure nécessaire pour le suivi des indicateurs est mise en place, ce qui permet la collecte des indicateurs qui ont été retenus.

  • La vérification

Les indicateurs sont ensuite mesurés, analysés et contrôlés. Les résultats des indicateurs peuvent ensuite être comparés de plusieurs façons : 1) en fonction d’une cible d’amélioration attendue, 2) en fonction de leur évolution dans le temps, 3) en fonction des résultats obtenus par une autre équipe ou encore 4) en fonction de références internationales.

  • L’amélioration

Cette étape permet à l’équipe de dégager des pistes d’amélioration de la prise en charge afin de réduire les écarts mis en évidence à l’étape précédente. Ces pistes sont ensuite implantées et leurs effets sont de nouveaux mesurés grâce au suivi des indicateurs.

Choisir les indicateurs en fonction de ses besoins

Le choix doit être guidés par :

1. La finalité poursuivie, laquelle permettra de déterminer l’ampleur du projet, la population de référence à considérer dans le calcul du dénominateur et le degré de précision souhaité (ou possible) de l’indicateur :
a) L’intérêt porte-t-il sur l’un des problèmes de santé à l’étude ou sur le portrait d’ensemble de la prise en charge des maladies chroniques?
b) La population de référence est-elle celle d’un professionnel, de la clientèle fréquentant un milieu clinique donné ou d’une région (ou sous-région)?
c) À quoi serviront les informations recueillies?

2. La pertinence clinique des indicateurs en fonction du modèle de gestion des maladies chroniques. L’argumentaire qui accompagne l’indicateur peut guider ce choix, en plus du degré de pertinence accordé par les professionnels lors des consultations.

3. Les ressources informationnelles disponibles, qui réfèrent à la mesurabilité des indicateurs. Les renseignements donnés sous la rubrique précisions peuvent guider le choix.

Compte tenu des efforts nécessaires pour mesurer un indicateur, on devrait favoriser les indicateurs appuyés par un niveau de preuve élevé, jugés pertinents et plus facilement mesurables. Certains indicateurs peuvent être difficiles à mesurer de façon générale, mais un milieu clinique ou une région peut y avoir accès.

Avertissement

Une approche ciblée uniquement en fonction des indicateurs appuyés par des preuves de niveau 1 exclut des dimensions importantes de la qualité des soins des maladies chroniques. Il vaut mieux considérer d’inclure des indicateurs relatifs aux différentes dimensions des soins selon le modèle de gestion des maladies chroniques, même lorsque la finalité principale ne concerne que l’une des maladies pour lesquelles nous avons élaboré des indicateurs.

Pièges à éviter

L’élaboration d’indicateurs n’est pas une finalité en soi, mais s’inscrit plutôt dans une démarche d’amélioration des pratiques professionnelles en tenant compte du contexte dans lequel les pratiques s’exercent.

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